Les médias relayent ce que disent les organisations patronales, mais relayent-ils vraiment les réalités des choses ?

Le SECOP-ITSRE vient de finaliser une enquête longue de plusieurs mois sur le sujet de la pénurie de chauffeurs tellement mise en avant par les employeurs et ses résultats laissent planer quelques doutes sur ce que disent ces employeurs ainsi que les représentants du secteur du transport.

Durant plusieurs mois, il a été demandé à plusieurs chauffeurs adhérents au SECOP-ITSRE de postuler dans les différentes sociétés d’intérim ou directement chez les transporteurs. Le résultat de toutes ces candidatures ? Presque rien à se mettre sous la dent si ce ne sont que quelques propositions d’emploi pour conduire un camion de nettoyage industriel, un camion d’équarrissage, un camion balai,…

En ce qui concerne d’autres emplois possibles, ils sont proposés par des sociétés qui ont déjà fait l’objet de dossiers pour diverses raisons au sein de notre organisation syndicale et donc, ce type d’emploi est peu ou pas attractif ! Qui aimerait travailler pour une société qui oblige ses travailleurs à des pratiques peu en accord avec la législation ? Bien évidemment, la réputation de certaines entreprises de transport précède ces sociétés et finalement, elles peinent à trouver de la main d’oeuvre.

Il y a quelques mois déjà, notre président a  été confronté à un employeur qui lui demandait de retirer se carte du lecteur tachygraphe afin de terminer un travail qui avait pris plus de temps que nécessaire. Pour la petite histoire, l’employé chargé du planning n’avait pas fait son travail correctement et avait complètement oublié de faire les démarches administratives pour libérer un container à Anvers, un temps d’attente de 5h au port d’Anvers et à l’arrivée, plus assez de temps pour terminer le travail prévu. Celui qui paye le prix fort d’une telle situation, c’est le chauffeur, et en cas de procès-verbal, c’est une fois de plus au chauffeur à assumer cette situation. Fort de son expérience, alors qu’il avait prévenu l’employeur qu’il ne pratiquait pas de la sorte, il a pris la décision de laisser sa carte tachygraphe dans l’appareil et de rentrer le camion au dépôt où il a finalement retiré ses affaires personnelles de la cabine. La fin du contrat s’est faite de cette manière avec en prime pour l’employeur, un certificat médical ! Lorsque le travailleur remet sa démission, il a aussi le droit de faire son préavis sous certificat médical. Pour compléter l’information, si c’est l’employeur qui donne le préavis au travailleur, alors dans ce cas, le préavis sera prolongé en cas d’arrêt pour raison médicale.

Et pourquoi exactement laissa-t-il sa carte tachygraphe dans le lecteur ?

En retirant la carte tachygraphe du lecteur de carte, le chauffeur commet une « fraude » au tachygraphe. En cas de procès-verbal, la fraude est jugée devant un tribunal correctionnel. Un syndicat historique ne défend ses adhérents QUE devant le tribunal du « TRAVAIL ». Ceci explique que le SECOP-ITSRE avait pris la décision de défendre ses adhérents aussi devant le tribunal correctionnel. En laissant la carte tachygraphe dans le lecteur de carte, il s’agit d’une simple « INFRACTION » et donc, qui se traite devant le tribunal de Police. Ceci explique aussi qu’au SECOP-ITSRE nous défendons nos adhérents devant le Tribunal de Police également.

Des cas de cette nature, nous pouvons en dénombrer malheureusement des dizaines pour ne pas dire des centaines. Chaque chauffeur à son expérience qui fait qu’un jour ou l’autre, dégoûté par ce qu’il a vécu dans certaines sociétés de transport, il finit par faire autre chose de sa vie professionnelle et puis, combien de sociétés ne sont-elles pas confrontées à une réelle pénurie de chauffeurs dans leur activité ? Prenons le cas d’une société qui cherche un chauffeur avec un permis ADR (transport de produits dangereux) mais que payerait ce chauffeur au même taux horaire qu’un chauffeur qui transporterait des pots de confiture. Et bien la majorité des chauffeurs préfèrent transporter des pots de confiture plutôt que de prendre des risques supplémentaires pour transporter des produits dangereux tout en étant payé avec le même salaire qu’un chauffeur n’ayant pas de permis ADR.

Une question fondamentale qu’il faut absolument se poser quand on parle de « pénurie » de chauffeurs, c’est « pourquoi certaines sociétés de transport ne souffrent-elles pas de cette pénurie » ?

Le résultat de notre enquête, qui sera proposé au prochain Ministre de l’emploi, démontre aussi qu’un chauffeur qui a de l’expérience et qui annonce d’entrée de jeu qu’il ne fraudera pas d’une manière ou d’une autre, n’est jamais rappelé. Quand une société demande généralement à ses chauffeurs d’être « flexibles », ça cache parfois une situation où le chauffeur devra être « flexible » au point même qu’il devra pratiquer parfois en désaccord avec la législation…

La pénurie de chauffeurs routiers est aussi une manière commue une autre de "justifier" l'engagement de chauffeurs de l'Europe de l'Est, une main d'oeuvre bien moins onéreuse qu'un chauffeur belge !