Avant tout, nous pouvons dire que cette convention collective de travail signée par les « partenaires sociaux » donc, par les organisations syndicales officiellement « reconnues » que sont la FGTB, la CGSLB et la CSC est l’une des plus mauvaise convention collective signée par les syndicats historiques.

N’ayons pas peur de le dire, le régime de flexibilité laisse la porte ouverte à n’importe quoi et du n’importe quoi, nous en voyons passer lorsqu’il s’agit de refaire le calcul du salaire justement dû au travailleur. Bien souvent, les employeurs obligent d’une manière ou d’autre autre, à laisser la position du tachygraphe sur « repos » même lorsque le chauffeur charge ou décharge son camion lui-même ! Oui, n’ayons pas peur de dire que le chauffeur n’utilise pas correctement son tachygraphe et là réside le problème…

Cet article aura le mérite d’exister et de dénoncer, une fois de plus, le travail de celles et ceux qui auraient dû défendre les travailleurs et qui, finalement, leur rend la vie encore plus compliquée.

Quel est le chauffeur routier qui après 6 mois d’activité pourrait nous dire combien d’heures de flexibilité il a droit ? AUCUN, réponse claire, nette et précise. Ou le régime de flexibilité a rendu la vie tellement plus compliquée pour les chauffeurs qu’un employeur a le droit de lui payer ce qu’il veut bien et pas ce à quoi il a droit ! Cette pratique fait partie de l’arsenal mis à la disposition d’un employeur peu scrupuleux (heureusement qu’ils ne sont pas tous comme ça !) pour augmenter sa marge bénéficiaire car n’ayons pas peur non plus de le dire, certains employeurs se servent avant de payer leurs chauffeurs.

Pour comprendre la chose, nous vous invitons à lire cet article :

Pour bien comprendre le régime de flexibilité, il faut connaitre plusieurs choses au niveau de la législation sur les temps de conduite et de repos.

Le régime de flexibilité est axé sur le temps de travail. Or dans le secteur du transport, vous avez un temps de travail, un autre temps de disponibilité, un temps de repos. Les temps de conduite font partie du temps de travail.

Commençons par ce qui n’est pas prévu comme « temps de travail » /

-          Le temps de disponibilité comme prévu par l’art. 3,b) de la directive 2005/15

-          Le temps supplémentaire dont le chauffeur a besoin pour parcourir les distances de et vers l’endroit où le véhicule se trouve s’il n’est pas placé à l’endroit habituel/

-          Les temps d’attente se rapportant aux frais de douane, ou médicaux.

-          Le temps pendant lequel le travailleur reste à bord ou à proximité du véhicule et des marchandises, mais ne fournit aucun travail. La durée de ce temps est fixée dans une CCT conclue au sein de la Commission Paritaire du Transport.

-          Le temps consacré au repas.

-          Le temps correspondant aux interruptions du temps de conduite prévues par l’article 7 du règlement CEE 2820/85

-          Le temps pendant lequel aucun travail n’est presté, mais au cours duquel la présence à bord ou à proximité du véhicule est requise aux fins de respecter la règlementation sur la circulation ou d’assurer la sécurité routière. La durée prévisible de ce temps est fixée dans une CCT au sein de la Commission Paritaire du Transport. Les limites de la durée du travail est fixées par les articles 19 et 20 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail peuvent être dépassées à condition qu’il ne soit pas travaillé plus de 48 heures au cours d’une semaine et de 92 heures au cours de deux semaines consécutives et à condition que le durée hebdomadaire du travail fixée par la loi ou par une CCT soit respectée en moyenne sur une période d’un trimestre maximum.

Ce dernier paragraphe étant le nœud du problème !

Les plus anciens chauffeurs se rappelleront des vieux tachygraphes à disque et la facilité avec laquelle on pouvait tricher à un tel point que beaucoup de chauffeurs étaient de véritables disc-jockey avant même d’être chauffeur routier ! Ceci est imagé mais pas tellement loin de la vérité !

A cette époque, on laissait le sélectionneur d’activité sur la position « travail (marteau) » même quand on s’arrêtait sur un parking afin de prendre un café. De ce fait, les chauffeurs faisaient énormément d’heures de travail. Ils ne sélectionnaient la position « repos » que lorsqu’ils étaient vraiment obligés de le faire…

Puis, est venu le temps des premiers tachygraphes à carte avec d’autres pratiques pour frauder les données mais ceci reste un autre sujet…

Au moyen de cette nouvelle technologie, il est beaucoup plus facile de dissocier les heures de travail des heures de repos enfin quoique !

Donc, le chauffeur ne peut plus faire plus de 48 heures de travail par semaine. Or le contrat de travail qui est signé entre un employeur et un travailleur est fait sur base d’un contrat de 28, 39 ou 40 heures de travail par semaine. A Noter que le régime à 39 ou 40 heures par semaine est de plus en plus rare car l’employeur doit aussi octroyer une compensation aux travailleurs.

Dans le régime de flexibilité, la Convention Collective de Travail du 28 septembre 1999 signée aussi par les « partenaires sociaux : syndicats historiques FGTB, CSC et CGSLB ainsi que les représentant des patrons, UPTR, FEBETRA, stimule dans son article 2 alinéa 2 que « La durée de travail moyenne hebdomadaire du travail calculée sur une période de 6 mois NE peut excéder 39 heures»

L’article 3 stipule aussi « Pour autant que le temps de travail ne dépasse pas 12 heures par jour ou 1014 heures par période de 6 mois. Aucun supplément pour heures supplémentaires n’est dû »

Les heures supplémentaires s’appellent « des heures de flexibilité»

Pour faire simple, voici quelques exemples qui vous permettrons de voir comme le régime de flexibilité est calculé dans le secteur du transport de choses.

Durée du travail et calcul du salaire: exemples d'application dans le sous-secteur du transport de choses par voie terrestre pour compte de tiers

(Sous-)Commission paritaire n°: 140.03

En vertu de l'article 38bis de la loi sur le travail du 16 mars 1971, il est interdit de faire ou de laisser travailler en dehors du temps de travail fixé dans le règlement de travail. Toutefois, cette disposition n'est pas applicable pour l'exécution de travaux de transport, de chargement et de déchargement. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir des horaires concrets dans le règlement de travail.

A. Personnel roulant

1. A.R. du 25 avril 1986

L'entreprise n'a pas opté pour de nouveaux régimes de travail dans le règlement de travail de l'entreprise, mais il a par contre été stipulé que les limites suivantes de la durée du travail doivent être respectées:

  • moyenne de 38 heures par semaine sur un trimestre;
  • 92 heures sur deux semaines;
  • 48 heures par semaine;
  • 11 heures par jour.

En d'autres termes, l'entreprise a opté pour la possibilité de dépasser les limites normales de la durée du travail (38 heures par semaine; 8 heures par jour ou 9 heures par jour lorsque le régime de durée du travail comprend par semaine un demi-jour, un jour ou plus d'un jour de repos en dehors du dimanche) en application de l'Arrêté Royal du 25 avril 1986 relatif à la durée du travail de certains ouvriers occupés dans les entreprises de transport de choses.

Exemple de calcul

Chauffeur d'un véhicule dont la charge utile est de 7 à moins de 15 tonnes.

1ère semaine

Temps de travail

Temps de liaison

Lundi

8

1

Mardi

8

1

Mercredi

8

1

jeudi

8

1

vendredi

6

1

38

5

A payer:

  1. salaire temps de travail: 38 X 8,7445 EUR = 332,291 EUR
  2. temps de liaison: 5 X 7,87 EUR = 39,35 EUR
  3. Indemnité R.G.P.T.: 43 X 0,9514 EUR = 40,9102 EUR

2ème semaine

Temps de travail

Temps de liaison

lundi

10

2

mardi

11

2

mercredi

8

1

jeudi

8

1

vendredi

7

3

44

9

A payer:

  1. salaire temps de travail: 38 X 8,7445 € = 332,291 €
  2. sursalaire: 6 X 8,7445 € X 50% = 26,2335 €
  3. temps de liaison: 9 X 7,87 € = 70,83 €
  4. Indemnité R.G.P.T.: 52 X 0,9514 € = 49,4728 €

Remarques:

  • Le salaire normal des six heures supplémentaires (6 X 8,7445 EUR = 52,467 EUR) est payé au moment de la récupération.
  • Il y a 13 heures de présence le mardi. Si, l'on paie pour ce jour une indemnité R.G.P.T. de 0,9514 EUR par heure, on dépasse le montant maximum de 11,4168 EUR par jour (correspondant à 12 heures de présence par jour). Par conséquent, le montant pour ce jour reste limité à 11,4168 EUR.

2. C.C.T. nouveaux régimes de travail

Une entreprise a opté, dans son règlement de travail, pour l'application de la convention collective de travail du 28 septembre 1999, conclue au sein de la Commission paritaire du transport, relative à la mise en ouvre de nouveaux régimes de travail applicables au personnel roulant occupé dans les entreprises du sous-secteur du transport de choses par voie terrestre pour compte de tiers et du sous-secteur de la manutention de choses pour compte de tiers (voir notre documentation sectorielle Chap. 3501). Il est par conséquent stipulé dans le règlement de travail que les limites suivantes seront respectées:

  • moyenne de 38 heures par semaine sur une période de 6 mois;
  • 12 heures par jour.

Exemple de calcul

Chauffeur d'un véhicule dont la charge utile est de 7 à moins de 15 tonnes.

1ère semaine

Temps de travail

Temps de liaison

lundi

12

3

mardi

12

3

mercredi

12

3

jeudi

11

2

vendredi

4

1

51

12

A payer:

  1. salaire temps de travail: 38 X 8,7445 EUR = 332,291 EUR
  2. temps de liaison: 12 X 7,87 EUR = 94,44 EUR
  3. Indemnité R.G.P.T.: 53 X 0,9514 EUR = 50,4242 EUR

2ème semaine

Temps de travail

Temps de liaison

lundi

10

3

mardi

8

2

mercredi

8

1

jeudi

8

2

vendredi

4

2

38

10

A payer:

  1. salaire temps de travail: 38 X 8,7445 EUR = 332,291 EUR
  2. temps de liaison: 10 X 7,87 EUR = 78,70 EUR
  3. Indemnité R.G.P.T.: 47 X 0,9514 EUR = 44,7158 EUR

3ème semaine

Temps de travail

Temps de liaison

lundi

8

2

mardi

8

2

mercredi

10

2

jeudi

10

2

vendredi

4

1

40

9

A payer:

  1. salaire temps de travail: 38 X 8,7445 EUR = 332,291 EUR
  2. temps de liaison: 9 X 7,87 EUR = 70,83 EUR
  3. Indemnité R.G.P.T.: 49 X 0,9514 EUR = 46,6186 EUR

4ème semaine

Temps de travail

Temps de liaison

lundi

8

2

mardi

8

1

mercredi

8

2

jeudi

5

-

vendredi

4

-

33

5

A payer:

  1. salaire temps de travail: 38 X 8,7445 EUR = 332,291 EUR
  2. temps de liaison: 5 X 7,87 EUR = 39,35 EUR
  3. Indemnité R.G.P.T.: 38 X 0,9514 EUR = 36,1532 EUR

Remarques:

  • Etant donné que la limite de 12 heures de travail par jour n'est nulle part dépassée et que la durée moyenne hebdomadaire du travail de 38 heures est respectée sur une période de 6 mois, il n'est pas dû de sursalaire.
  • Etant donné que le nombre d'heures de présence s'élève, à plusieurs reprises, à plus de 12 heures par jour, le montant maximum de 11,4168 EUR par jour est pris en considération dans ces cas-là.

B. Personnel non roulant

1. A.R. du 8 août 1997

Dans une entreprise déterminée, la C.C.T. en matière de nouveaux régimes de travail n'est pas applicable, soit parce que l'employeur n'a pas opté pour dans son règlement de travail, soit parce que le conseil d'entreprise ou le CPPT n'a pas donné son approbation.

Exemple de calcul

Réceptionnaire (6 mois et + anc. sect.).

1ère semaine

Temps de travail

Temps d'attente

lundi

8

2

mardi

8

-

mercredi

8

-

jeudi

8

2

vendredi

6

-

38

4

A payer:

  1. salaire temps de travail: 38 X 9,3120 EUR = 353,856 EUR
  2. temps d'attente: 4 X 9,3120 EUR = 37,248 EUR

2ème semaine

Temps de travail

Temps de liaison

lundi

10

-

mardi

10

-

mercredi

8

2

jeudi

10

-

vendredi

7

1

45

3

A payer:

  1. salaire temps de travail: 38 X 9,3120 EUR = 353,856 EUR
  2. sursalaire: 7 X 9,3120 EUR X 50% = 32,592 EUR
  3. temps d'attente: 3 X 9,3120 EUR = 27,936 EUR

Remarque: Le salaire normal pour les 7 heures supplémentaires (7 X 9,3120 EUR = 65,184 EUR) est payé au moment de la récupération.

2. C.C.T. nouveaux régimes de travail

Une entreprise a opté pour l'application de la convention collective de travail du 28 septembre 1999, conclue au sein de la Commission paritaire du transport, relative à la mise en ouvre de nouveaux régimes de travail applicables au personnel non roulant occupé dans les entreprises du sous-secteur du transport de choses par voie terrestre pour compte de tiers et du sous-secteur de la manutention de choses pour compte de tiers (voir notre documentation sectorielle Chap. 3502). Elle a adapté le règlement de travail en ce sens que l'on a explicitement déclaré respecter les limites suivantes:

  • moyenne de 38 heures par semaine sur une période de six mois;
  • 10 heures de travail par jour;
  • 2 heures d'attente par jour et 10 heures d'attente par semaine.

Exemple de calcul

Réceptionnaire (6 mois et + anc. sect.).

Temps de travail

Temps d'attente

lundi

10

-

mardi

10

-

mercredi

8

2

jeudi

10

-

vendredi

8

1

46

3

A payer:

  1. salaire temps de travail: 38 X 9,3120 EUR = 353,856 EUR
  2. temps d'attente: 3 X 9,3120 EUR = 27,936 EUR

Remarque: Il n'est donc pas dû de sursalaire. Le salaire normal des 8 heures supplémentaires (8 X 9,3120 EUR = 74,496 EUR) est payé au moment de la récupération.

 

Rédacteur : François LIBERT © SECOP-ITSRE 2017